Ecrit par David Jeangeorges.
C’est une procédure peu habituelle qu’un homme de 41 ans (37 au début des faits) a engagée contre le centre hospitalier de Remiremont pour obtenir réparation d’un dommage. D’ordinaire, ce type de réparation se négocie devant la commission régionale de conciliation et d’indemnisation. A l’amiable, sans avocat, loin des tribunaux et selon une procédure courte. Pour sa part, cet homme a choisi de recourir, défendu par un avocat spinalien, devant le tribunal administratif de Nancy. Celui-ci a examiné le dossier le jeudi 5 novembre 2015 et rendu son jugement le jeudi 26 novembre 2015. L’affaire remonte au 3 août 2011.
Tout commence suite à un match de football au cours duquel M. X. a été victime d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche. Le 3 août 2011, l’intéressé a fait l’objet d’une ligamentoplastie au centre hospitalier de Remiremont. Selon le rapport d’expertise en date du 1er octobre 2013 déposé dans le cadre d’une procédure de référé, « la réalisation technique de cette opération s’est montrée insuffisante ». Selon l’expert, « le transplant du ligament croisé antérieur a été mal positionné ».L’expert conclut : « qu’il existe indiscutablement une mauvaise exécution des soins médicaux lors de l’intervention chirurgicale en date du 3 août 2011 ».
Selon l’expert, « la prolongation des soins médicaux au delà du sixième mois après l’intervention chirurgicale, et notamment les deux nouvelles interventions chirurgicales pratiquées les 2 janvier et 11 mai 2012, sont imputables à la malposition du transplant ».
Pour sa part, le centre hospitalier de Remiremont s’en est remis à la sagesse du tribunal et n’a pas réfuté les conclusions rendues par l’expert.
Tribunal qui a considéré le centre hospitalier « comme ayant commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité ».
Evaluation des préjudices.
Pour évaluer les préjudices, le tribunal a considéré que :
– « au titre de la période du 2 janvier 2012 au 11 septembre 2012, Monsieur X a connu sept semaines au cours desquelles il a marché sous couvert de béquilles (…). Que, par ailleurs, au titre de cette période, Monsieur X a dû cesser toute activité sportive. Qu’il suit de la qu’il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire de l’intéressé, dont notamment son préjudice d’agrément résultant de l’arrêt temporaire de la pratique sportive, en l’évaluant à hauteur de 1.500 euros » .
– « l’expert a évalué à 4,5 sur une échelle de 0 à 7 les souffrances endurées par Monsieur X et à 3, sur une même échelle, en l’absence de manquement fautif du centre hospitalier de Remiremont, que la faute médicale a donc contribué à une majoration de 1,5 point des souffrances physiques du requérant, que part suite, il y a lieu d’octroyer à l’intéressé la somme de 2.000 euros ».
Préjudices permanents.
Pour évaluer les préjudices permanents, le tribunal a considéré que :
– « (…) il convient de prendre en compte l’âge de la victime à la date de consolidation de son dommage, le taux de déficit fonctionnel permanent retenue par l’expert de ce dommage ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l’intéressé une somme de 1.000 euros ».
– « l’expert a estimé que le préjudice esthétique de Monsieur X pouvait être évalué à sur une échelle de 0 à 7 et dont 0,5 point était imputable à l’intervention chirurgicale du 3 août 2011 ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice de l’intéressé en lui accordant une somme de 300 euros ».
En revanche, après avoir estimé que « seule la période postérieure au 1er janvier 2012 est imputable à l’agissement fautif du centre hospitalier de Remiremont », le tribunal a estimé que Monsieur X « n’établit pas avoir subi une perte de revenus au titre de la période du 3 février 2012 au 11 septembre 2012″.
Il a également considéré que « le requérant ne justifie pas que son arrêt de travail, imputable en partie à l’intervention chirurgicale fautive, aurait eu pour vocation normale de provoquer l’arrêt définitif de son activité professionnelle (NDLR : d’auto-entrepreneur artisan) ».
4.800 euros au lieu des 32.124 réclamés.
Pour l’ensemble de ces préjudices, le centre hospitalier a été condamné à verser 4.800 euros au patient, alors qu’il en réclamait 32.124 euros, ainsi que 1.500 euros au titre du code de justice administrative.
Il a enfin considéré que « les frais médicaux pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des Vosges à compter du 2 janvier 2012 sont imputables à l’acte médical fautif ». Il a donc condamné le centre hospitalier de Remiremont à verser à la CPAM des Vosges une somme de 18.735,05 euros au titre de ses débours et 1.037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion. Enfin, les frais et honoraires d’expertise taxés et liquidés à la somme de 600 euros sont définitivement mis à la charge du centre hospitalier de Remiremont.
« Le droit est passé ».
Contacté par nos soins, Mathieu Rocher, directeur par intérim du centre hospitalier de Remiremont, n’a pas souhaité s’exprimer sur le fond de l’affaire. « Le droit est passé » a commenté le directeur qui précise que « le chirurgien qui a pratiqué l’opération a quitté notre établissement depuis trois ans ».
Il faut savoir que les faits sont antérieurs à la prise de fonction de Mathieu Rocher, nommé par intérim depuis deux ans.
Si les deux parties disposent de deux mois pour faire appel, il est peu probable que le centre hospitalier de Remiremont se pourvoit, dans un souci d’apaisement avec son patient.
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