Ses 77 kilomètres suivent la crête des Vosges, d’Uffholtz à Sainte-Marie-aux-Mines. Elle donne accès à de nombreux départs de randonnée. Elle est aussi un itinéraire apprécié des automobilistes et des motards. Mais sur la route des crêtes, la cohabitation entre aspirants à la tranquillité et promeneurs à moteur n’est pas toujours apaisée.
Joseph Peter.
Marcheur invétéré, il est le délégué départemental de la protection de la nature, du paysage et du patrimoine au sein du Club vosgien.
« Notre plaine d’Alsace est extrêmement peuplée. La montagne est son exutoire : un espace d’évasion, d’introspection, l’occasion de faire le vide en soi. Nous avons besoin de sa quiétude. Hélas, pour certains, elle est un défouloir. Mais ce n’est pas tant de conduire en montagne qui pose problème, c’est plutôt la façon de conduire… et de se conduire. On peut ne pas faire de bruit : c’est la raison pour laquelle le Club vosgien a œuvré, avec tous les acteurs de terrain, pour limiter la vitesse à 70 km/h sur la route des crêtes. Encore faut-il que cette limitation soit respectée. Les paysages ouverts, avec leur vue à couper le souffle, nous émerveillent. Et nos voisins allemands, dont le massif est beaucoup plus fermé, sombre et construit, les apprécient tout particulièrement. Nous avons bien conscience que nous devons ces paysages aux agriculteurs, aujourd’hui fermiers-aubergistes, qui les façonnent à longueur de printemps et d’étés. Loin d’être des citadins égoïstes, nous respectons ces professionnels de la montagne qui travaillent dur et avec passion. Mais nous devons avoir le courage de nous retrouver autour d’une table avec eux et tous les acteurs du massif des Vosges pour aborder cette nouvelle question. Pourquoi ne pas imaginer, une fois dans l’année, une grande fête de la montagne et des déplacements doux pour promouvoir tous les moyens sans moteur et donc silencieux : rando, vélo, cheval… en donnant la garantie de ne pas entraver sur le long terme l’activité économique de ceux qui vivent de la montagne. Cela pourrait être expérimenté, par exemple, sur les 7 km séparant le Markstein du Grand Ballon. Nous sommes également persuadés qu’une navette des crêtes bien adaptée, régulière, efficace, serait aussi bien plus utilisée, réduisant d’autant le nombre d’automobilistes sur la route. Pérennisée et plus constante, nous pourrions la mentionner sur les cartes du Club vosgien, ce qui serait un grand pas en avant. Enfin, pourquoi ne pas imaginer fermer de temps en temps un col ou un autre pour en réserver l’accès aux cyclistes. Cela se pratique déjà dans les Alpes. Nous devons évoluer, être imaginatifs pour aller vers le moins de pétrole, moins de nuisances… et encore plus d’évasion ! A la tombée de la nuit, la montagne réserve bien des surprises lorsque le silence se fait ».
Serge Sifferlen.
Fermier-aubergiste dans la haute vallée de la Thur sur la route du Markstein, il est également le président de l’association Ferme-auberge du Haut-Rhin.
« La route des crêtes a été construite en 1914 pour acheminer les troupes et les victuailles sur la ligne de front. Elle est partie intégrante du patrimoine de l’Alsace et des Hautes-Vosges et, à ce titre, doit être accessible à tous. Aujourd’hui, elle est un fleuron touristique. Sept millions d’habitants vivent dans un rayon de 2h. Les week-ends de très beau temps, cela fait beaucoup de monde sur les crêtes. Parmi eux des personnes très âgées conduites par leurs petits-enfants après des décennies passées à arpenter les sentiers. Ces journées sont indispensables à l’équilibre économique des fermes-auberges alors que la plupart sont fermées cinq mois par an. Bien sûr, ces pics de fréquentation ne vont pas sans quelques nuisances et petites dégradations. Mais n’oublions pas que les fermiers-aubergistes, avec leur activité pastorale, ont façonné les paysages qui émerveillent les randonneurs. Ce sont eux aussi qui pratiquent depuis des générations la vente en circuit court tellement tendance aujourd’hui. Leurs aïeux, les marcaires, ont initié la tradition de l’accueil en montagne lorsque sont arrivés, fin XIXème, les premiers citadins-randonneurs empruntant les premiers balisages du Vogese Verein aujourd’hui Club vosgien. Et c’est avec l’essor des fermes-auberges dans les années 1970-80 que ces sentiers si prisés se sont encore développés. Si le coeur des fermes-auberges reste familial, elles sont aussi un employeur important des vallées qui vivent aujourd’hui essentiellement du tourisme. Les fermes-auberges sont un maillon essentiel de la vie des Hautes-Vosges. Ne leur coupons pas les vivres en fermant la route des crêtes. En revanche, faisons respecter la loi, c’est-à-dire la limitation de vitesse. Faisons la chasse aux décibels inutiles des moteurs vrombissants. Réprimons aussi sur les routes d’accès car ce sont les vallées, où le bruit résonne, qui subissent les véritables nuisances. Enfin, sur les crêtes, cadrons les abords et les parkings. Voilà qui devrait amplement faire l’affaire. Nous, fermiers-aubergistes, serons aussi extrêmement vigilants quant à certains projets qui proposent un ou deux week-ends de fermeture : c’est un engrenage dans lequel nous ne voulons pas mettre le doigt.
Sans l’agriculture et l’élevage de montagne, les Vosges auraient un autre visage ».
L’avis du conseil départemental.
Annick Luttenbacher.
Conseillère départementale du canton de Cernay, maire de Fellering, commune de la haute vallée de la Thur, située sur la RD13B, l’un des accès à la route des crêtes.
« La route des crêtes est déjà fermée une grande partie de l’année, voire la moitié de l’année, de novembre à avril-mai, selon les aléas de l’hiver. Elle a donc sa période de quiétude. Et les amateurs de randonnées en raquettes ou de ski nordique savent apprécier ce calme à sa juste valeur. Cette fermeture hivernale permet aussi à la faune sauvage, affaiblie par le froid et le manque de nourriture, de ne pas être dérangée par le bruit des véhicules. Le reste de l’année, il ne faut pas perdre de vue les impératifs économiques de ceux qui vivent de la montagne et la maintiennent telle que l’on aime qu’elle soit : ouverte, accessible à tous, avec ses paysages et ses points de vue extraordinaires. N’oublions pas que la route des crêtes est un axe touristique majeur et que les hautes chaumes représentent l’un des sites naturels les plus visités de notre département.
D’autre part, la limitation de la vitesse à 70 km/h, instaurée par le Conseil départemental du Haut-Rhin puis par celui des Vosges sur le tronçon vosgien, est un bon compromis pour apaiser la circulation. Et sans être véritablement un axe de transit, elle permet une circulation facile et rapide entre les vallées : 45 minutes entre Fellering et la Vallée de Munster par la route des crêtes contre 1h30 – le double! – en passant par la plaine, par exemple.
Pour toutes ces raisons, fermer la route des crêtes les dimanches n’est pas envisageable. Mais en fermer une portion, entre le Haag et le Markstein par exemple, un dimanche par été, pour une manifestation exceptionnelle de type Slow Up, pourquoi pas ? A condition de l’organiser en étroite concertation et surtout avec l’accord de l’ensemble des partenaires économiques des crêtes ».
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