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mardi 23 décembre

Le Mudaac fait l’acquisition d’un tableau de Tudi Deligne

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Tudi_Deligne_L_Effondrement

Le Musée départemental d’art ancien et contemporain, à Épinal, vient d’acquérir une œuvre de l’artiste Tudi Deligne : un pastel grand format intitulé « L’effondrement » (ou, dans son titre complet, « L’effondrement commence par celui du langage »).

Né en 1986, l’artiste franco-suisse, Tudi Deligne, a été formé à l’ESAD de Strasbourg, et développe depuis plus de quinze ans une œuvre où le corps, le geste et la matière dialoguent de manière étroite. C’est pendant cette formation que se sont dessinées les deux voies de sa création actuelle : l’exploration des potentialités à la fois des arts graphiques et du champ chorégraphique.

Co-fondateur de la compagnie Infradanse, il inscrit ses recherches chorégraphiques dans la lignée du butô, en explorant un corps affranchi des habitudes gestuelles occidentales.

Parallèlement, il travaille aussi le graphite, le crayon de couleur, et surtout le pastel sur papier, dans des œuvres où les frontières se brouillent et où les références se mêlent.

Si le noir et blanc, et toutes leurs nuances, lui ont permis d’aller loin dans l’exploration de la force visuelle du dessin, c’est maintenant la puissance de choix chromatiques qui doivent beaucoup aux maîtres du baroque qui caractérise ses pastels, dont la couleur n’est pas le seul élément frappant. Leur composition à la fois éclatée et dense, brouillée et fourmillant de détails précis, suscite une forme de sidération.

C’est bien celle-ci que veut créer l’artiste, qui a longtemps travaillé à partir de photographies, et qui maintenant s’accompagne dans son processus créatif de l’Intelligence Artificielle : en croisant des références visuelles diverses, il parvient à créer un trouble chez le spectateur. Se dégage de l’œuvre à la fois une familiarité – on y reconnaît la composition de tel chef d’œuvre de l’art baroque, on y entrevoit les contours de tel portrait classique – et une sensation de perte de repères étonnante. L’artiste interroge par là avec subtilité notre rapport à l’image, aux images qui nous saturent, et au chaos informationnel qui nous entoure.

Lauréat de nombreux prix prestigieux – Fondation Kiefer Hablitzel, Prix DDessin, Prix Pierre-David Weil, Prix Yishu8 2025 – représenté par la galerie By Lara Sedbon, il est aujourd’hui reconnu sur la scène internationale. Pourtant, paradoxalement, son travail n’était pas encore entré dans une collection muséale française… jusqu’à maintenant.

 

Tudi Deligne

« L’effondrement »

𝟣𝟦𝟢𝘹𝟣𝟪𝟨 𝘤𝘮. 𝘗𝘢𝘴𝘵𝘦𝘭 𝘴𝘶𝘳 𝘱𝘢𝘱𝘪𝘦𝘳. 𝟤𝟢𝟤𝟧

Si la composition et les couleurs lui ont été inspirées par l’un des tableaux de la Galerie Médicis (un chef-d’œuvre de P. P. Rubens, illustrant la vie de Marie de Médicis : La Parfaite Réconciliation de la reine et de son fils, après la mort du connétable de Luynes, le 15 décembre 1621), l’œuvre laisse aussi la part belle à notre société moderne : décor urbain, drapeaux divers, bris de voiture, cycliste filmant la scène…

Ainsi, si ce gigantesque pastel, d’emblée, donne une impression picturale, fastueuse et solaire, par la richesse de ses coloris et le fantôme d’une composition ancienne, elle trouble aussi en générant un rappel d’images politiques sombres : images d’émeutes, de sang, de drapeaux mis à mal. C’est une faillite de notre société qu’évoque, par son titre comme par l’impression forte qu’il nous laisse, ce pastel sur papier : nous sommes loin, ici, de l’impression sereine et toute-puissante dégagée par le tableau qui a inspiré l’œuvre, dans lequel au milieu du ciel Marie de Médicis, portant le caducée, et son fils, entourés d’allégories heureuses, se rejoignent, tandis qu’une hydre immonde, symbole de décadence, est foudroyée par une représentation de la vertu. Le trouble, séduisant et inquiétant à la fois, suscité par ce pastel, nous semble dire beaucoup et de l’histoire de l’art contemporain, et de notre société.

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