Une conférence sur la biodiversité et les changements climatiques aura lieu ce samedi au Planétarium d’Epinal.
Voici un résumé de l’intervention du 8 août de Bernard Chevassus-au-Louis, ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle et président de l’association Humanité et Biodiversité:
« Comment la biodiversité va-t-elle évoluer sous l’effet des changements climatiques ? Ces évolutions vont-elles nous affecter ? Peut-on les anticiper, voire les moduler ? Peut-on même utiliser la biodiversité pour atténuer ces changements climatiques ou pour s’y adapter ?
Pour éclairer ces différentes questions, nous évoquerons tout d’abord les nombreuses incertitudes qui entourent aujourd’hui notre capacité à prédire les évolutions de la biodiversité sous l’effet de phénomènes inédits à l’échelle historique. Ces incertitudes sont liés à trois groupes de facteurs très différents mais qui se combinent pour conduire à une forte incertitude globale.
Le premier concernent les scénarios climatiques eux-mêmes : si les évolutions du climat moyen, en termes de température et de pluviométrie, commence à être assez bien définies à l’échelle de vastes régions du globe, les évolutions locales, à l’échelle des aires de répartition de nombreuses espèces, demeurent encore assez imprécises.
Le second niveau d’incertitude porte sur la réaction de la biodiversité vis-à-vis de ces changements climatiques. Ceci est dû à deux aspects complémentaires : le premier est notre méconnaissance des réactions et des capacités d’adaptation de nombreuses espèces à ces changements ; le second aspect, sans doute le plus préoccupant, est que la biodiversité subit aujourd’hui des pressions multiples qui concourent à son érosion, et ceci avant même que les changements climatiques n’aient pris de l’ampleur. De ce fait, les effets indirects de ces changements, à travers la modulation éventuelle de ces pressions, peuvent être plus importants que les effets directs.
Enfin, l’incertitude socio-économique concerne tout ce qui relève des comportements de notre espèce vis-à-vis des changements climatiques à venir. Le risque est en effet réel de voir se mettre en œuvre des stratégies accroissant la pression sur la biodiversité, comme un recours croissant à l’irrigation des cultures ou le développement de cultures énergétiques sur des zones précédemment en jachères ou en prairies.
Dans un second temps, nous proposerons, dans ce contexte d’incertitude, quelques principes d’action pour des stratégies « sans regrets », c’est-à-dire des stratégies qui, dans une large gamme d’évolutions possibles, demeurent bénéfiques tant pour les humains que pour l’ensemble de la biodiversité.
Le premier, qui découle directement du principe de précaution, est d’associer systématiquement les actions entreprises à l’acquisition et à la capitalisation de connaissances sur la biodiversité. Il s’agit donc d’imaginer des « plateformes » qui soient à la fois des observatoires, des centres d’information et de ressources et des lieux de coordination des actions et de partage de leurs résultats.
Second principe, la priorité devra être donnée aux actions permettant le maintien et l’adaptation sur place de la biodiversité par rapport à celles favorisant, voire organisant sa migration vers des climats a priori plus favorables.
Veiller au caractère multifonctionnel des aménagements constitue le troisième principe que nous proposons. En effet, le caractère prégnant des enjeux climatiques peut conduire à mobiliser la biodiversité dans cette seule optique, aux détriments tant de cette biodiversité que des services écologiques qui lui sont liés.
Enfin, nous proposons que les stratégies visant à renforcer le capital écologique soient conçues pour créer en même temps du capital social, qu’il s’agisse de sensibilisation, de formation ou de développement d’un « savoir vivre ensemble ». Ce principe traduit une conviction profonde : les changements climatiques sont susceptibles d’ébranler, de déstabiliser en profondeur nos sociétés, au moins autant qu’ils affecteront la biodiversité. De ce fait, consolider notre « savoir vivre ensemble », c’est préparer nos sociétés à affronter ces perturbations et améliorer, pour prendre un terme écologique, leur « résilience ». »
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