Yvette Rose Linnikow naissait le 23 mars 1913 à Gérardmer à la veille de la Grande Guerre. Une prime jeunesse chez ses grands-parents maternels tandis que son père et ses oncles se battaient sur tous les fronts. Pour la petite fille aux portes des combats vosgiens ce furent les déménagements successifs vers des villages moins exposés que Gérardmer aux obus allemands et aux bombardements par les «taupes » ainsi dénommés les avions ennemis qui occasionnèrent plusieurs victimes à Gérardmer, Epinal, St Dié, Remiremont, etc.
Après la fin de cette tragédie revint la vie normale ; Yvette en 1931 épousé René Clair. En 1934 vint au monde André son fils et ce fut pour la petite famille la vie professionnelle à l’usine Nathan Lévy et le logement dans les cités du même nom.
En 1939 de nouveau la botte allemande. René Clair sergent dans un corps franc sur la ligne Maginot est fait prisonnier, emmené pendant de longues années en captivité en Allemagne. Yvette fait face alors seule à toutes les vicissitudes. A la mort de son beau-père en 1940, elle recueille sa belle-mère puis sa mère lorsque son père, le «russe » est tué lors du bombardement d’Epinal. Enfin elle connait avec sa famille l’expulsion de son appartement et l’incendie en novembre 1944 de la maison. Elle se réfugie avec d’autres membres de la famille dans l’atelier de peinture de Raymond Vincent-Viry au boulevard Kelsch. Puis l’exode vers Mirecourt, le logement de malheureux juifs déportés à Auschwitz, réquisitionné pour la famille Clair par la mairie de Mirecourt. Le travail à l’hôpital de Ravenel, alors occupé par l’armée américaine et ses milliers de blessés, et le moyen de pouvoir enfin gagner sa vie pour ceux qui n’ont que les vêtements qu’ils portent sur le dos et absolument rien d’autre.
En 1946-47, l’hôpital de Ravenel redevient civil : Yvette et René Clair y continuent leur travail tandis que sa mère retourne vivre à Gérardmer dans les baraques des sinistrés.
A cette époque se situe l’épisode qui, mieux que de longs discours, souligne la volonté et l’intelligence d’Yvette Clair. L’hôpital de Ravenel où elle travaille comme repasseuse dans l’atelier de lingerie est soumis aux règles de l’administration. Et c’est ainsi qu’Yvette, afin d’améliorer l’ordinaire de la famille, entreprend de passer le CAP de repasseuse ce qui lui apporte un substantiel supplément de salaire, puis elle réussit celui de lingère, catégorie supérieure. Enfin pendant trois années elle entreprend, pendant qu’André étudie pour passer son bac, des études d’infirmière où la paie de cette catégorie de salarié était la plus conséquente. Elle devient donc infirmière lorsqu’elle réussit ses examens. Elle poursuit alors par la spécialisation psychiatrie et devient surveillante, cadre de l’hôpital.
Vers la fin des années 1960 elle revient vivre à Gérardmer, se remarie et devient Yvette Morel.
A l’époque le lycée hôtelier a besoin d’une infirmière, et elle postule pour quelques années encore de travail. A la mort de son mari, son fils André et sa belle-fille viennent vivre plusieurs années avec elle. Lorsqu’elle éprouve trop de difficultés à se déplacer elle demande à être admise à Clair Logis.
C’est là, avec les soins dévoués du docteur Christ et de toute l’équipe compétente et humaine de Clair Logis, qu’elle finira sa vie après avoir fêté dans la joie son centième anniversaire.
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