Fouiller les archives, faire ressurgir du passé les voix longtemps oubliées… C’est le travail auquel Louis Géhin s’est attelé pour publier en 1893 Gérardmer à travers les âges, remportant par la même occasion le Premier prix de la Société d’Émulation du Département des Vosges, et remarqué en hauts lieux académiques.
« Le » Géhin c’est d’abord l’œuvre d’un instituteur renommé, Louis Géhin (1861-1916), qui a passé sa vie au service de la communauté gérômoise et qui a laissé en souvenir de lui une somme historique et plus que documentée sur la vie des gérômois aux temps anciens.
Que trouve-t-on dans cet ouvrage ? Il s’agit d’abord d’une lecture commentée des archives de la Ville de Gérardmer. Dans ce livre, Géhin les transcrit pour l’essentiel et surtout nous propose une représentation fidèle de la vie gérômoise assez éloignée, il faut le dire, des fantasmes ou des nostalgies. En toute honnêteté, vivre à Gérardmer au xviiie ou au xixe siècles n’avait rien d’une retraite bucolique. Encore moins auparavant. À lire Géhin, on ne peut conclure autre chose : Gérardmer s’est construite par la force et la témérité des montagnards.
Ce livre est lui-même une archive gérômoise : il répond en fait au besoin, à l’époque de sa première édition (1893), de comprendre les origines d’une ville, l’histoire de son administration, de sa géopolitique, de sa sociologie (ses mœurs). Il fonde en cela la première représentation fidèle de l’histoire de Gérardmer, sur la base d’une documentation historique à l’épreuve des faits. Sa lecture aujourd’hui présente un double intérêt : Géhin raconte d’abord une histoire qui peut se lire de A à Z sans que l’historien averti ne puisse trouver trop à redire sur l’emploi des archives et leur interprétation. Ensuite, l’ouvrage présente aussi l’intérêt de rassembler en un seul volume l’essentiel de l’histoire de Gérardmer : on pourra s’y reporter aisément pour n’importe quelle raison et appuyer ainsi ses arguments.
Qu’apprend-on avec Louis Géhin ? on peut se pencher, par exemple, sur les petits épisodes du quotidien, les « faits divers » qui, en des temps plus modernes, auraient fait la Une de la presse régionale. Ainsi Géhin rapporte de multiples épisodes consignés aux archives, relatifs à des actes de délinquance, des affaires juridiques et administratives, parfois traitées en haut lieu à Remiremont ou à Nancy (comme l’« affaire Paxion »), les heures de réjouissance et d’autres plus sombres en période de guerre ou de disette. On notera aussi les événements climatiques issus d’un temps où décidément il n’y avait jamais plus de saisons : « Les corvées étaient souvent multipliées par des ouragans qui détruisaient les ponts et coupaient les chemins; quelques-uns sont restés tristement célèbres; celui du 12 Mars 1761 emporta les toits des maisons et renversa les arbres dans les forêts, principalement à la droite des Bas-Rupts et derrière Longemer, où l’on établit une scierie pour en opérer le déblaiement ».
C’est son usage de la statistique qui est sans doute le plus frappant. Géhin se livre en effet à l’exposé systématique des noms de famille, noms de lieux, statistiques de la population, des prix et des métiers, l’état de l’instruction scolaire, l’économie, etc. L’ambition de Géhin étant, sur une période relativement importante (il remonte jusqu’à l’an mille), de dresser un tableau de l’histoire de Gérardmer le plus exhaustif possible en fonction des archives consultées.
Aussi complète que puisse paraître cette entreprise, il faudra toutefois lire ce document en sachant le contextualiser en cette fin du xixe siècle : l’objectif de Géhin est avant tout éducatif, et il se fonde pour cela sur le socle des valeurs typiquement républicaines de son temps. L’anthropologie et la sociologie historiques nous diront un peu plus tard comment il est nécessaire d’approcher les mœurs et coutumes anciennes pour atteindre une meilleure forme d’objectivité. Quoiqu’il en soit cette lecture est édifiante sur bien des points et elle s’adresse au premier chef à tous les amoureux de la Perle des Vosges.
2 Renards Editions (Gérardmer) est un projet éditorial de livres libres ou s’étant élevés dans le domaine public. Les livres sont imprimés et vendus au format papier via un système d’impression à la demande. Quant aux versions numériques, elles sont disponibles gratuitement.
4e de couverture :
Ce « tour de Gérardmer » par Louis Géhin, est un exemple de reconstitution des histoires sociales, économiques, administratives, agricoles et morales de la vie gérômoise du Moyen-âge au xixe siècle. Au-delà de son intention première de contribuer à la Grande Histoire, Louis Géhin nous propose un concentré de l’approche historique propre à son époque. Il explique aussi en partie notre rapport à l’histoire régionale. On pourra se contenter de le survoler en s’attardant sur des curiosités ou des particularités amusantes. Plus précisément, Géhin a le don de rendre très vivantes les archives les plus anciennes, tout en situant dans leurs contextes les nombreux extraits de documents originaux, parfois reproduits in extenso. Toute la richesse des nombreux détails donnés par l’auteur permettent de mieux comprendre comment l’identité gérômoise est née au xixe siècle, engendrée à la fois de l’histoire de France et de l’histoire des hommes.
Détails :
- Lien : Gérardmer à travers les âges (Éditions 2 renards)
- Auteur : Louis Géhin
- Préface : Christophe Masutti
- Nombre de pages : 340
- Édition : août 2014, seconde édition (1re édition 1893)
- Éditeur : 2 Renards Éditions / Lulu.com
- ISBN : 978-1-291-99173-4
- Licence : Domaine public
- Format : 18×24, noir et blanc, couverture souple
- Prix : 23 EUR (version papier uniquement)
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