Pour la première fois de ma vie, j’ai hâte d’être à lundi. Vous aussi, sans doute ? Plus que quelques heures avant le printemps, qui signera mon bon de libération de cet hiver… rude comme un Vosgien. Et surtout interminable.
Kevadine pööripäev, de la poudre aux yeux.
L’équinoxe de printemps (kevad). En Estonie, le 20 mars se limite à la version astronomique du retour de la belle saison. Car sur Terre, le printemps se comporte comme un ours, il peine à se réveiller et se veut… bougon. Quatre degrés en moyenne et ce jusqu’en avril, au cours duquel personne n’imaginerait se découvrir d’un fil. Les collants thermiques et autres chapkas sont donc encore de mise !
Ajaring (le cercle annuel) est la forme ancienne du calendrier annuel. Il ne distingue que deux saisons : l’hiver et l’été, qui commence autour de Pâques (la vraie fin du dégel) et se termine en octobre (la tombée des feuilles). Le printemps et l’automne sont exclus, considérés comme simples transitions entre le froid et le chaud, relégués avec mes jupettes de demi-saison : sous des climats plus cléments.
Käädripäev, patienter à l’estonienne.
En attendant, il faut… attendre. Préparer l’été constitue l’unique préoccupation des longues journées qui mènent à Urbepäev (le jour des rameaux, à l’estonienne), lancement officiel des « estivités* ». De nos jours, dans la région du Setomaa, les 40 jours de carême demeurent une période extrêmement calme, proscrivant fêtes, chansons et autres réunions amicales. Certains esprits farceurs vous expliqueront combien les Estoniens excellent à l’oisiveté, lorsque le temps le permet.
Käädripäev, ou l’art d’être habile à ne rien faire, ou presque. Quand ours et vers de terre sortent de leur rêveries, l’heure est venue de se prémunir des futures invasions d’insectes. Le 17 mars était la journée du mouvement sans fin. Essayez : rembobinez ! Pelotez vos chutes de travaux d’aiguille, vous aurez de quoi repriser tout l’été ; surtout, de quoi garder votre calme : moustiques, serpents et autres bestioles urticantes vous fuiront comme la peste. Le protocole implique de tuer deux oiseaux (ainsi le serpent restera tapis en boule) : ignorez le peloton d’exécution, et voyez ce que ça donne.
Un ami estonien m’avait pourtant prévenue : Suve silmad, Talve hambad (les yeux de l’été, les dents de l’hiver). Un hiver mordant, encore plusieurs semaines à trépigner auprès du poêle, contre un été de 6 mois. Et des journées, jusqu’à la Saint-Jean, de plus de 18 heures. Ça donne envie de chanter, non ? Rendez-vous samedi prochain !
Clarisse B. / Voyage à reculons
* De nos jours, nombre d’événements issus de l’ancien calendrier sont célébrés. Le jour des Rameaux, des Œufs, de la Saint-Jean constituent des festivités d’importance. N’y voyez pas forcément de corrélation avec les rites chrétiens.
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