Apprentissage, ou plutôt transmission pour ce nouveau film de Samuel Collardey qui reprend donc un de ses thèmes de prédilection et le transpose au Groenland, au cœur des inuits, une société en pleine mutation.
Pour ceux qui se poseraient la question avant ou après le visionnage de Une année polaire, précisons d’abord qu’il évolue entre deux eaux. Pas exactement une comédie dramatique comme il a été référencé, mais pas non plus un documentaire, il n’est pas vraiment un film-documentaire d’ailleurs. Il faut dire que la démarche du réalisateur d’origine bizontine est assez originale puisqu’il a demandé, sur une base scénarisée, à des non-professionnels de jouer leur propre rôle.
Après quelques premières traces dans la neige dans certains de ses précédents films, le Groenland était pour lui une suite logique. Samuel Colardey a donc effectué plusieurs voyages sur place pendant un an, dans le village de Tinitequilaaq, hameau inuit de 80 habitants. Après avoir noué un contact avec un anglophone, les fondations de son long-métrage ont pu lentement se poser mais ce n’est qu’au dernier moment que la décision a été prise de lancer le tournage: « En Mai plus exactement, lorsqu’on a su qu’il y avait un nouvel instituteur qui allait prendre la succession de celui qui était en place lorsque nous y avons été à plusieurs reprises. Je ne connaissais donc pas le personnage principal de mon film puisque que je n’ai donc rencontré Anders Hvidegaaard que peu de temps avant de tourner » précise le réalisateur.
Pourquoi suivre un instituteur ? Plusieurs raisons à ce choix : tout d’abord pour montrer comment ce dernier trouve lentement sa place au sein de la communauté et donc comment il fait face à l’isolement, sans doute la chose la plus dure pour ces émissaires danois. Plus dure encore que le froid et l’éloignement ou même le choc des cultures. Un isolement auquel l’équipe du film a dû faire face elle aussi : « Nous avons tourné sur une période d’un an avec 5 ou 6 sessions dont une de six semaines sur place. A la fin tout le monde commençait à avoir hâte de rentrer ! » explique Samuel Collardey. Et comme vous l’imaginez, une excellente préparation technique était nécessaire.
Et puis malgré les difficulté des premiers mois, l’instituteur occupe néanmoins une place centrale et va rencontrer les familles des enfants, ce qui permet de rentrer chez ces familles et donc un peu plus en profondeur dans cette société qui est en train d’évoluer à une vitesse folle, peut-être un peu trop d’ailleurs. Au-delà de l’aventure humaine, des paysages, de la transmission, c’est aussi cela que nous montre le réalisateur : « Certains anciens et/ou parents ne comprennent pas : avant, il fallait survivre, trouver à manger pour le soir, maintenant, leurs enfants se suicident. (…) S’ils vont à l’école sur place ils n’apprennent pas à chasser, puis vont en ville pour poursuivre leurs études. Ceux qui s’en sortent trouveront du travail au Danemark, mais ceux qui ne sont pas doués pour les études, lorsqu’ils reviennent au village, ne savent même pas chasser et se retrouvent désœuvrés dans un endroit où il n’y a pour ainsi dire pas de travail. »
Si Samuel Collardey nous livre quelques ébauches de pistes sur cet avenir incertain des Inuits à travers « Une année polaire » , il reste difficile à l’heure actuelle d’entrevoir de quoi il sera fait… Anders Hvidegaard est quant à lui resté à Tinitequilaaq, le film sortira le 30 Mai dans les salles obscures et c’est une petite perle…
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