Dans la trilogie de Marcel Pagnol, monsieur Brun était avec l’accent marseillais un » estrangère » de Lyon. Une chance pour ses amis du Bar de la Marine, César le premier toujours à lui fendre le cœur lors d’une partie de carte ressemblant plus à un vaudeville méditerranéen qu’à un jeu de carton frappé sur le zinc. Le dernier bistrot du Valtin a fermé depuis longtemps au profit de deux restaurants parfaitement adaptés au lieu de vie, mais il subsiste toujours, dans le vallon blotti au creux de la ligne de crête, l’âme du curé Féréol et de ses anciennes ouailles. Alors si le troquet de service a passé l’arme à gauche, l’esprit valtinois subsiste toujours par ses anciens et ses nouveaux habitants. César, à la voix de stentor, est toujours de ce monde, malheureusement pas très en forme, mais surtout Escartefigue et Panisse ont pris les traits du spécialiste des senteurs florales et du boulanger. Et monsieur Brun ? L’Estrangère de Lyon, c’est Benoît Duteurtre, le valtinois de Paris. Les jeunes ont cette expression aussi curieuse que descriptive afin de marquer un territoire. « Plus vosgien que lui, tu meurs« . En cette période de Toussaint, Benoît Duteurtre n’a rien d’un spécialiste des funérailles, mais en ce qui concerne sa terre d’adoption, ma feue grand mère aurait dit de lui « il est formidable ». Pour le béotien lambda, Benoît Duteurtre est péjorativement un vieux touriste de père en fils. Dès son plus jeune âge, le normand parcourait les chemins de traverse du Valtin, sautant d’un versant à l’autre avant de connaître les lauriers du romancier célèbre, de l’homme de radio et du chroniqueur journalistique dans le magazine Marianne. Dans la récurrente carte blanche laissée à la relecture de la séduisante rédactrice en cheffe Natacha Polony, Benoit Duteurtre ne manque pas d’évoquer son village du Valtin dont il partage la vie avec Paris. A l’évocation du confinement, dans un article intitulé « Ressourcement », l’auteur du papier trouve la sérénité « au rythme de la forêt, au bruit de la pluie qui tombe, au mugissement d’une tronçonneuse ou de quelques vaches « .
Sans le nommer, Benoit Duteurtre évoque également la disparition annoncée de l’étang de Belbriette à Xonrupt, mais aussi les décors façonnés par des siècles amenés à disparaître sous prétexte de rendre la nature aux espèces sauvages presque inaccessibles….mon neveu de 15 ans a raison plus vosgien que lui tu meurs… en l’occurrence la plume à la main comme ce fut le cas en août dernier alors que Natacha Marianne Polony lui avait octroyé 4 pages sur le Valtin et les Hautes-Vosges. Un article façonné sur place aux jutes mots à l’inverse du papier estival publié par un hebdomadaire réalisé à distance par un journaliste qui n’a que le nom. Le dérapage professionnel du gratte papier nous rappelle à la vraie vie, celle du terrain et surtout de la terre et de ses habitants. Benoit Duteurtre le sait puisqu’il est valtinois et naît chaque jour un peu plus dans son village, « loin de l’angoisse sociale du coronavirus et des crimes du djihadisme ».
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