Les 24èmes Rencontres du Cinéma ont en effet le plaisir et l’honneur de recevoir la visite du cinéaste Claude Lelouch à qui Philippe Azoulay a consacré un documentaire de 1 h 45 qui aura nécessité pas moins de 10 années de productions. Un projet un peu fou, mais quand on aime on ne compte pas, et le jeu en valait définitivement la chandelle.
C’est en tout cas ce que nous confirmait son réalisateur Philippe Azoulay, même s’il avoue bien volontiers que « 10 ans de production, 8 ans et demi – 9 ans de tournage… Si on avait su ça avant, on y aurait réfléchi à deux fois ! En termes de production, ce n’est pas sérieux économiquement de faire un film sur 10 ans (…) Mais ce qui aurait pu être notre faiblesse est finalement devenu notre force. Nous avons produit ce documentaire à deux avec Claude, sans partenaires, de façon libre. » En procédant ainsi et comme l’expliquent les deux compères, « Tourner pour vivre » a gagné en profondeur, en émotion, en propos, mais aussi en dimension visuelle, en densité au niveau des décors filmés et sélectionnés pour le final cut. « La liberté artistique se gagne, il faut aller la chercher. (…) C’est un état d’esprit qu’on partage tous les deux » ajoute un Philippe Azoulay particulièrement élogieux vis-à-vis de son ami.
Et de poursuivre : « Claude, c’est au moins 10 films importants dans le cinéma. Certains peuvent dire qu’ils en ont 1, peut-être 2, lui c’est 10 ! C’est pour ça que c’est un cinéaste, pas un réalisateur : il a sa signature, sa vision, sa patte, et il est populaire. Ses propos percutent son époque ; il est témoins de son temps et de son époque. » Des mots sur lesquels Claude Lelouch rebondit volontiers, avec classe, sagesse et humilité : « Je suis un reporter de la vie. Mes films sont le résultat de mes observations. Je ne suis rien d’autre qu’une concierge » déclare-t-il avec humour. Rappelons au passage que le synopsis du documentaire commence par cette phrase : « J’ai retrouvé Tintin, il a plus de 77 ans, il fait du cinéma et court le monde à la recherche du sens de la vie. » Philippe Azoulay aura-t-il été, le temps de cette collaboration, le Milou ou le capitaine Haddock de son ami, ou un peu des deux ?… Nous poserons la question à Tryphon Tournesol…
« Un film doit être une récréation, pas une salle de classe »
Affable, Claude Lelouch évoque également volontiers son rapport avec la Nouvelle Vague : « La Nouvelle vague nous donne la leçon, ce n’est pas mon cinéma. Un film doit être une récréation, pas une salle de classe. Moi je suis un metteur en scène du milieu, je fais des films populaires et je ne suis ni à droite ni à gauche, je marche sur un fil. (…) Truffaud m’avait alors dit que j’avais la grosse tête. Mais je dois beaucoup à la Nouvelle Vague, elle m’a montré tout ce qu’il ne fallait pas faire. (…) C’était de très bons écrivains, mais ils écrivaient mieux qu’ils ne filmaient. » Gourmand de cinéma, toujours bien ancré dans temps et son époque, Lelouch est également attaché à la transmission, au passage de flambeau comme on dit. Tourné vers l’avenir, il mise sur la jeunesse et veut contribuer à découvrir les cinéastes de demain, fasciné par « les trouvailles, la créativité, l’ingéniosité » de certaines vidéos qui se baladent sur la toile. A Beaune, il a créé Les Ateliers du Cinéma qui recrutent des jeunes prometteurs. Et à Gérardmer, comme un peu partout où le cinéma est mis sous le feu des projecteurs, il continue d’aller à la rencontre de la jeunesse.
A la rencontre des lycéens
Ce jeudi, avec Philippe Azoulay, Claude Lelouch a pris le temps de répondre aux questions d’une cinquantaine d’élèves issus de la cité scolaire de la Haie Griselle ainsi que du lycée des métiers J-B Siméon Chardin. Du côté de la Haie Griselle, on retrouvait la classe « Lycéens et apprentis au cinéma » encadrée par Nordine Hamza qui avait travaillé en amont sur la carrière du cinéaste, sa filmographie, sa démarche, le tout sur la base d’une série d’extraits de ses films emblématiques. « Je leur ai demandé un travail de recherche avant la master class » confirme l’enseignant, ce qui a sans doute contribué à aiguiser leur intérêt et à affiner leur questions. Du côté de la classe de BAC Pro boulangerie du lycée Chardin, cette rencontre arrivait à point nommé : « Dans le cadre du programme de français nous travaillons sur la création artistique. Suite à la master classe, nous travailleront notamment sur l’histoire des films, sur la narration » précise David Demange, professeur de français. La boucle est ainsi bouclée pour cette visite de Claude Lelouch aux Rencontres du Cinéma qui restera sans doute comme un des grands moments de cette 24ème édition.
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