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samedi 23 novembre

Gastronomie fantastique – « Le Pétrus » à la sauce Longo

Le homard ne l'a toujours pas tué

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Photo : Stéphane Pierre

Photo : Stéphane Pierre

Originaire de Belfort, Thierry Longo est arrivé à Gérardmer en 2003. Depuis, le chef n’a jamais quitté les cuisines du Grand Hôtel & Spa de Gérardmer, dont le Petrus, sa table gastronomique. Juste avant le coup de feu de midi, il a posé un instant ses ustensiles pour revenir sur ce moment particulier que constitue le Festival du film fantastique et sur la pléiade de jurés qu’il soigne aux petits oignons pendant quelques jours.

Thierry Longo le confie d’emblée : nous ne sommes plus à la fastueuse période de Johnny Halliday… Invité du festival Fantastic’art en 1999, la star avait bénéficié d’une suite créée de toute pièce pour lui et le Grand Hôtel avait mis les petits plats dans les grands pour l’accueillir. « C’est plus resserré aujourd’hui. On fait moins de repas dans l’ensemble. Avant, ça commençait dès le mercredi. Aujourd’hui, c’est concentré du vendredi au dimanche. Ce qui a changé également, c’est que désormais beaucoup de nos hôtes sont végans ou végétariens. On est davantage sur du quinoa que sur du bœuf de Kobé ou de la truffe… » Le chef-cuisinier glisse cependant que, malgré les principes de façade, certains ne rechignent pas à goûter le homard maison.

Photo : Stéphane Pierre

Photo : Stéphane Pierre

Son meilleur client durant le festival, c’est le directeur de l’événement lui-même : Bruno Barde. « Je n’ai jamais vu quelqu’un manger autant de truffes en si peu de temps. Bon, en ce moment, il est végétarien… Sans doute qu’il fait des excès en dehors et qu’il doit se ménager des périodes de semi-jeûne… » On cuisine Thierry Longo pour qu’il révèle quelques anecdotes croustillantes sur ses « meilleurs clients » parmi les jurés. Mais on fait chou blanc. « Il n’y a pas trop de débordement. Alors oui, ça mange des produits chers, comme du caviar par exemple, mais c’est plus dans les vins que ça se lâche. Les Romanée-Conti ou les Pétrus, je ne vais pas dire que ça part comme des petits pains, mais ça part bien quand même. C’est un période où on peut écluser du stock. On parle là de bouteilles à 4000 ou 5000 euros… » À l’évocation d’une ancienne invitée, la présidente du jury de la 29e édition, le chef a des étoiles dans les yeux, et plus que les trois qui distinguent certains restaurants français. « Bah mince, comment elle s’appelait déjà ? La femme de François Hollande… Ah oui, Julie Gayet ! Alors elle, c’est une femme géniale ! Elle venait là pour être tranquille, à une table réservée pour nos meilleurs clients et dont la fenêtre donne sur la cuisine. C’est une bonne vivante. Elle ne toise pas les gens. Elle est agréable avec tout le monde. J’en garde un excellent souvenir. »

Pour préparer ses plats, le chef du Grand Hôtel essaie au maximum de travailler avec des producteurs locaux. « Mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans les Vosges. Si on ne veut travailler qu’en local, ça restreint, surtout au niveau des légumes. Et le problème des petits producteurs, c’est qu’ils ont souvent une démarche proche de celles de l’artiste. Dans leur façon de penser, ils veulent faire un produit magnifique. Sauf qu’ils ne sont pas commerçants et qu’ils travaillent sur des petites quantités… Or, au Grand Hôtel, on a besoin de plus grosses quantités. Dernièrement, j’ai été confronté à ce problème avec un gars qui sest lancé dans les écrevisses à pattes rouges du côté de Bourbonne-les-bains, mais qui ne pouvait me fournir que cinq kilos. Ou à un autre qui cultivait des endivettes à Thiéfosse. Elles étaient magnifiques. Sauf que je n’en ai eues qu’une fois… Celui qui se débrouille bien, c’est Richard Thierry, qui vend du safran. Lui, il a compris qu’il fallait être un peu commerçant. » Parti à l’âge de 15 ans travailler sur la Côte d’Azur, Thierry Longo est un grand amateur de légumes, notamment les fleurs de courgettes, « quand elles sont ouvertes, pas comme ici où ça fait longtemps qu’elles n’ont pas vu le soleil ». Cet amateur de « produits simples » confesse une passion pour les anguilles et les artichauts. Et pour le vieux Porto. Pas celui qu’on sert en apéritif, celui qui accompagne les plats. Il recommande aussi la dégustation du Château La Lagune – Cos d’Estournel. « Celui-là, c’est le top ! Et ce n’est pas le plus cher… »

À la tête d’une vingtaine de personnes quand l’équipe est au complet, le chef aime son métier. Un métier qui a le vent en poupe avec la pléthore d’émissions télévisées dédiées à l’art culinaire. « C’est bien parce que ça fait un peu de publicité pour l’hôtellerie, mais ces émissions sont biaisées. Le premier jour, tu n’arrives pas à éplucher un oignon et, au bout de trois jours, tu fais des plats de macaron ! Il faudrait quand même montrer la réalité… Les gamins arrivent dans les lycées hôteliers et veulent tout de suite dresser des assiettes avec des produits de luxe. Non, avant il faut apprendre les bases ! » Thierry Longo conclut l’entretien avec lucidité. « Vous savez, nous les cuisiniers, on ne fait que transformer des produits sur lesquels des gens ont déjà travaillé en amont. On ne sauve pas des vies : on ne fait qu’à manger. » On le laisse alors retourner à ses fourneaux. Le photocall du festival est terminé depuis quelques minutes et les membres du jury vont bientôt débarquer. On ne saura pas qui des végans déclarés succomberont à la tentation du homard maison…

Anatole BETANCOURT

Grand hotel gerardmer

Thierry Longo

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