Monsieur le Président de la République,
Permettez-nous de vous interpeller sur un problème touchant plus de 100 000 personnes habitant la région des Hautes Vosges, problème qui va au delà du simple fait de garder en place une maternité qui fonctionne parfaitement puisqu’il s’agit de la plus grosse maternité publique des Vosges située à REMIREMONT.
La ville d’ÉPINAL a décidé de reconstruire son hôpital, projet envisagé depuis plus de 15 ans mais qui jusque là peinait à se mettre en route du fait de manque de moyens. Est-ce un hasard s’il se concrétise depuis que les décideurs politiques dont l’ARS parlent de transférer certaines activités, y compris budgétairement, de Remiremont à Epinal ?
Ce projet de nouvel hôpital ne date pas d’hier puisqu’il y a 20 ans les médecins des deux hôpitaux l’avaient déjà envisagé en suggérant que, si ce nouvel établissement venait à voir le jour, il faudrait qu’il soit médian : situé entre les deux villes distantes de 28 km et au bord de la 2×2 voies.
Au lieu de cela les élus spinaliens et l’ARS ont fait l’erreur de le placer au centre d’une ZUP difficile d’accès et situé à 1 km d’une importante clinique privée chirurgicale et dotée d’une maternité conséquente (environ 1300 accouchements par an).
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Les atouts romarimontains…
L’hôpital de Remiremont a été inauguré en 1974 par une femme qui vous est chère puisque vous avez décidé de lui faire l’honneur suprême de la placer au Panthéon: nous voulons parler de SimoneVEIL.
Cet établissement est en parfait état. Il a été constamment entretenu et il répond parfaitement à la demande sanitaire des habitants des trois vallées et du nord de la Haute Saône: la chirurgie comme la médecine y sont de haut niveau. Le service de gynécologie obstétrique dont la qualité est unanimement reconnue, dispose de la seule maison de naissance du département. L’argument selon lequel l’hôpital ne serait pas attractif pour la population médicale ne tient pas au regard du nombre d’internes en stage dans ce service, tant en médecine générale qu’en spécialité (alors qu’aucun interne ne souhaite se former à Épinal).
Le service de gynécologie obstétrique pourrait même, sans aucun budget supplémentaire, absorber la totalité des accouchements de l’hôpital public spinalien qui ne fait que 500 accouchements (contre 800 à Remiremont).
La mise en danger d’autrui…
Pour des observateurs qui ne travaillent que sur des cartes, au vu de la distance séparant les deux villes ( 28 km) et de la 2X2 voies les reliant, le rapprochement des deux établissements semble ne pas poser de problème. Mais les choses ne sont pas aussi simples si l’on considère le bassin de proximité de santé et le bassin de naissance de Remiremont situés en majorité en zone de montagne. En effet il faut considérer que les Hautes Vosges ne sont en rien comparables géographiquement au reste du département des Vosges. Les vallées de La Bresse, Bussang, Gérardmer et le nord de la Haute Saône sont difficiles d’accès, en hiver en raison de la neige et du verglas mais aussi en été du fait du doublement de la population par le tourisme.
Vous n’êtes pas sans savoir monsieur le Président qu’en France la durée de trajet moyen pour se rendre à une maternité est de 17 minutes. Ainsi, si l’on fermait les principaux services de Remiremont – maternité, chirurgie, urgences – on relèguerait la prise en charge à plus d’une demi-heure pour les trois quarts des patientes et à plus d’une heure pour une centaine de patientes, ce qui est en parfaite inadéquation avec le consensus selon lequel aucune parturiente ne doit se trouver à plus d’une demi-heure d’un centre d’urgence, avec toutes les conséquences défavorables de morbidité et surtout de mortalité materno-foetale que vous pouvez imaginer.
De plus on mettrait les médecins, les patients et leurs familles sur la route direction Epinal avec un bilan carbone annuel estimé au bas mot à 135 tonnes de Co2.
La démocratie bafouée…
La création des ARS n’a fait que compliquer le problème en rajoutant une couche « au mille feuilles » administratif et en éloignant encore plus les décideurs des réels problèmes départementaux et locaux. La politique de santé doit être au plus près du patient et non pas se décider sur des cartes à grands coups de crayons feutre. En moyenne un directeur d’ARS se déplace une fois par an ou tous les deux ans dans un hôpital périphérique. Que peut-il comprendre aux besoins de la population et de leurs élus s’il ne se réfère pas à la géographie et
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aux conditions locales parfois difficiles que rencontrent les usagers.
Pour enfoncer le clou, la loi de 2009 a créé des super ARS et celle de 2016, des GHT pour éloigner encore plus le sommet de la base et pour agir dans le diktat et sans transparence à l’image du texte du règlement du GHT de notre région où sans vergogne, on impose aux différents élus une muselière :
(Extrait du règlement intérieur du GHT Vosges
« Le groupement hospitalier de territoire « Vosges » et ses membres garantissent que l’ensemble de leurs personnels respectifs sont également soumis à un engagement de confidentialité, notamment concernant les données de santé qui pourraient circuler dans le cadre des services rendus ou obtenus.
Les rapports adressés aux membres, préalablement ou durant les instances du GHT Vosges sont confidentiels .
Les débats ainsi que les comptes rendus qui en rapportent les termes sont également confidentiels
En outre, cette obligation de confidentialité s’étend à toute personne susceptible d’assister aux réunions des instances du groupement hospitalier de territoire « Vosges »
On ne peut pas dire que l’ARS « GRAND EST » oeuvre dans la transparence. Nous demandons l’abrogation de ces dispositions qui sont contraires à l’essence même du mandat électif.
Nous pensons qu’il est nécessaire et possible de créer une réelle démocratie dans le domaine de la santé :
Les préconisations de l’Ordre des Médecins…
Le conseil de l’Ordre National des Médecins par la voix du Dr Patrick Brouet a proposé, en janvier 2017 (Construire l’avenir à partir des territoires) d’instaurer la démocratie sanitaire à tous les niveaux :
« Centralisateur, le système actuel d’organisation des soins ne laisse que peu de place à la concertation et à la co-construction. Aujourd’hui, dans les territoires, si les professionnels sont consultés, la décision revient toujours aux ARS. Et la « gouvernance multi-parties » se résume bien souvent à des relations latérales entre ARS et usagers d’un côté et ARS et professionnels de l’autre. Et quand la démocratie sanitaire est envisagée, c’est au niveau régional, un échelon malheureusement bien trop éloigné du terrain pour être efficace. (…)
Nous préconisons la mise en place d’un nouvel échelon de coordination des soins local, simple, efficace, au plus près des usagers, construit sur l’existant, ancré sur le terrain, et non imposé permettrait à la fois d’assurer à n’importe quel patient, sur un territoire donné, une prise en charge fluide et coordonnée de ses problèmes de santé (entre la ville et l’hôpital, les généralistes et les spécialistes), mais également aux professionnels de santé de travailler ensemble et de sortir de l’isolement
La force de ce nouvel échelon, que nous avons appelé le Bassin de proximité santé (BPS), réside dans son pragmatisme : il est conçu en partant des besoins des populations sur un bassin de vie, et basé sur les moyens et compétences disponibles, à l’inverse des organisations pyramidales et déconnectées des réalités du terrain qui ont trop souvent cours. (…)
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Concrètement, les BPS (Bassin de proximité santé) disposeront d’un comité opérationnel, placé sous la responsabilité des élus locaux des communautés de communes, et regroupant les représentants de tous les professionnels de santé (libéraux, hospitaliers, secteur médico-social) et des usagers. Alors qu’aujourd’hui, les GHT donnent tout pouvoir aux CHU au détriment de la médecine de ville, le BPS permettra ainsi d’intégrer enfin la médecine de ville dans l’organisation des soins sur le territoire…»
D’autres organisations du mouvement social demandent également une réorganisation plus démocratique du fonctionnement du système de santé impliquant réellement citoyens, élus, professionnels.
Nous savons bien à force de nous l’entendre répéter que « la santé n’a pas de prix mais a un coût », mais il faut quand même bien garder à l’esprit que le ministère de la santé est au service de la population et non l’inverse.
Quand on considère la dette abyssale du CHU de Nancy ( 420 millions d’euros) on peut se faire du souci quant aux budgets des hôpitaux périphériques surtout quand il va falloir trouver 140 millions d’euros pour reconstruire l’hôpital d’ÉPINAL et ensuite le faire fonctionner.
Les habitants des vallées ont payé leurs impôts et participent au financement de la Sécurité Sociale comme les spinaliens et n’ont pas à subir les frais d’une redistribution sauvage de l’offre de soins. Bien plus, ils revendiquent de participer à la gestion de ce qui leur appartient : leur santé.
Les orientations Présidentielles…
Si l’on en croit votre déclaration du 3 juillet 2017: « le mandat du peuple c’est celui de la confiance et de la transparence. La politique est importante pour nous. C’est parce qu’elle l’est que les français avaient fini par se désespérer de voir l’espérance confisquée par des professionnels ». Nous partageons votre avis.
Notre association tente de relever le défi. Elle n’a pas encore un an et, compte déjà plus de 1200 membres. parmi eux plus de 60 élus: sénateur, maires, adjoints, conseillers municipaux …mais plus de 55 personnes morales en particulier plus de 40 communes (Vosges /Haute Saône), le pays de Remiremont (56 000 habitants), la Communauté de Commune des Hautes Vosges (38000habitants), une dizaine d’associations dont celles du mouvement familial, notamment l’UDAF, des syndicats…Notre pétition contre la fermeture de la maternité a relevé près de 32 000 signatures. De nombreux élus(es) des vallées vosgiennes et du nord de la Haute Saône ont manifesté avec nous contre ce projet émanant de l’ARS. qui a cru bon de se retrancher derrière de soi-disant experts du CHU de Nancy dont les conflits d’intérêts étaient trop évidents (quand on a 420 millions d’euros de déficit autant faire le jeu de celui qui paie!!!!).
Si une telle fermeture intervenait, personne n’est dupe quant à la création du futur désert médical des vallées vosgiennes et du nord de la Haute-Saône. En effet si le service de gynécologie obstétrique venait à fermer, c’est la permanence des soins puis les urgences et enfin la chirurgie qui suivraient et bientôt les médecins traitants.
L’hôpital de Remiremont c’est 800 emplois temps plein soit 1000 personnes. Et combien de commerces seront touchés sans compter les emplois du secteur tertiaire etc… ?
Vous savez trop bien monsieur le Président quelles seront les conséquences d’une telle décision sur l’économie de toute une région qui dépense déjà beaucoup d’énergie à sortir la tête
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de l’eau. Les exemples de « Pays » qui ont perdu leur maternité puis leur hôpital malheureusement ne manquent pas.
Pourquoi supprimer une maternité romarimontaine performante qui assure la sécurité des vallées, qui est aux normes et refaite entièrement ? (Sans oublier le fait qu’elle a été une des premières en France à aider la maternité voisine (Gérardmer ) en créant un centre périnatal de proximité il y a plus de 25 ans ainsi qu’une des premières maisons de naissance en 2008 .)
En laissant l’une à coté de l’autre deux maternités spinaliennes distantes d’un kilomètre nous ne pouvons accepter cette manière « d’aménager le territoire. » qui prive les habitants des vallées vosgiennes d’une chose capitale pour tout citoyen : le droit à l’égalité des soins et à la sécurité.
La loi « montagne »…
. Nous ne contestons pas l’énorme travail que représente le SROS et le PRS 2011-2017 conçus par les services de l’ARS mais une chose nous choque particulièrement : l’absence de références à la loi montagne où dans son article premier il est spécifié : » De réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d’en assurer la pérennité, la qualité, l’accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d’organisation scolaire, d’offre de soins et de transports, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne . »
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Loin de vouloir vous importuner nous demandons simplement notre droit le plus légitime: l’accès aux soins dans l’égalité et la sécurité dans le cadre du service public.
En vous remerciant d’avoir prêté attention à notre requête, nous vous prions de recevoir nos salutations très respectueuses.
Pour le Comité Médical Ademat, Pour le Conseil d’Administration d’Ademat,
L e Président Le président
Docteur Didier Henry Jean Pierrel
Association pour la Défense le Maintien et l’Amélioration de la Maternité de Remiremont
mairie, 1, place de l’Abbatiale 88200 REMIREMONT – defense.materniteremiremont@gmail.com
www.ademat.org
Adhérente à la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité
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