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dimanche 07 juillet

Chroniques estoniennes – L’eau, l’air, le feu, la terre et la musique

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Hier soir, j’ai été invitée à un concert « chez l’habitant ». Mick Pedaja, star nationale, s’est produit confortablement dans le salon. En Estonie, la musique participe de toutes les rencontres. Elle coule de source, partout, pour tous.

 

Igal lapsel oma pill, du bon son pour de belles oreilles.

Ici, comptez autant de musiciens que d’habitants. Pratiquer un instrument, apprendre à danser, jouer ces chansons anciennes et poétiques, aux inspirations runiques, comptent parmi les essences de la culture estonienne. On dit même que la musique est un esprit libre, qui vous trouve, vous envahit et ne vous quitte plus.

En 2018, la République fêtera ses 100 ans. À l’occasion des préparatifs de cet extraordinaire anniversaire, le gouvernement orchestre une suite de cadeaux à offrir aux citoyens, dont l’opération Igal lapsel oma pill. Littéralement « Un instrument de musique pour chaque enfant ». En ligne de mire, le renouvèlement des collections instrumentales des établissements d’enseignement de la musique de tout le pays. Kannel, violon ou accordéon numérique, il n’y a pas de discrimination.

 

Kannel, la voix des défunts.

Le Kannel est un instrument traditionnel estonien à cordes pincées. Connu depuis plus 2000 ans, il apparaît dans différents contes transmis de génération en génération. Aujourd’hui, nombre de croyances l’entourent, le consacrant comme l’instrument de la vérité, poste radio des messages transmis de l’au-delà.

Une amie estonienne autrefois expatriée, qui n’avait jamais touché au Kannel, décida de s’y atteler. Les vieilles chansons de sa grand-mère défunte vinrent d’elles-mêmes ; ses doigts agiles au contact de l’instrument, aussi facile à jouer que de respirer. Venue en Estonie se recueillir sur la tombe de l’aïeule, elle joua cette mélopée apprise dans l’enfance. La pluie cessa, laissa place au soleil, dont la lumière nimba l’objet : se laissant capturer, elle décida sur-le-champ de revenir au pays. Magique Estonie !

Leelo tsõõr, l’alchimie du cercle.

Le Leelo est le chant choral Seto*. Une formation réunit généralement des personnes aux pouvoirs enchanteurs : timbre, plume, rythme & flow. Un interprète principal, le Lauluimä (littéralement « mère du chant »), chante les couplets en solo tandis que le reste de la troupe répète les paroles en chœur, selon différentes tonalités.

Écouter ces polyphonies est une expérience presque tellurique : votre âme pourrait bien en capter des fréquences surnaturelles, incantations jaillies du centre de la Terre. Certaines chanteuses témoignent de la puissance du cercle (tsõõr) : ouïr les lignes d’harmonie tout en performant soi-même, au sein du cercle, en face-à-face, donnerait l’impression d’être possédé d’une force capable de faire trembler la planète. Ce pouvoir apparaîtrait via la formation d’un cercle et disparaîtrait avec une formation linéaire.

Bien plus qu’un art vocal, le Leelo est un art de vivre. Autrefois, chanter rythmait les temps de travail, de loisirs, de fêtes et autres rituels, assurant aux règles de vie une voie de transmission. Il s’agissait par ailleurs d’un média, d’un instrument de communication donnant aux uns le loisir de diffuser un message et aux autres de l’entendre. Aujourd’hui, le Leelo a conservé toute son importance sociale, voire politique. Depuis 1994, chaque année, les Setos désignent démocratiquement leur roi (l’Ülembsootska) par le biais d’un concours de chant : chaque candidat se présente accompagné d’une chorale de soutien, qui scande ses mérites de représentant. Au public de se laisser convaincre puis de choisir.

Muusika, le cinquième élément. En Estonie, à l’instar de l’eau, la musique, vivante, trouve toujours un chemin. À la fin des années 80, elle fut le bras armé des luttes contre le régime soviétique (la Révolution chantante). De passage là-haut ? Acceptez toujours une invitation, vous aurez immanquablement l’occasion d’observer les instruments de musique se faufiler hors de leur étui, et les convives se mettre à danser. Rendez-vous samedi prochain !

 Clarisse B. / Voyage à reculons

 À écouter sans modération

– Mick Pedaja : Valgeks / To the light 

– Silve Ilves et son Kannel : Igatsus 

– Le Leelo Seto : en vidéo

 

*Les Setos constituent une minorité ethnique établie dans le Sud de l’Estonie (région du Setomaa) et en Russie. Le Leelo, indissociable de leur univers, est inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité depuis 2009. Pour en savoir +, sur le Leelo Seto, c’est ici.

Sille Ilves, musicienne, accompagnée de son Kannel à sept cordes. Crédit : SILD.

Sille Ilves, musicienne, accompagnée de son Kannel à sept cordes. Crédit : SILD.

 

 

chroniques estonniennes

Estonie

l'eau l'air et le feu

la terre

Hier soir, j’ai été invitée à un concert « chez l’habitant ». Mick Pedaja, star nationale, s’est produit confortablement dans le salon. En Estonie, la musique participe de toutes les rencontres. Elle coule de source, partout, pour tous.

 

Igal lapsel oma pill, du bon son pour de belles oreilles.

Ici, comptez autant de musiciens que d’habitants. Pratiquer un instrument, apprendre à danser, jouer ces chansons anciennes et poétiques, aux inspirations runiques, comptent parmi les essences de la culture estonienne. On dit même que la musique est un esprit libre, qui vous trouve, vous envahit et ne vous quitte plus.

En 2018, la République fêtera ses 100 ans. À l’occasion des préparatifs de cet extraordinaire anniversaire, le gouvernement orchestre une suite de cadeaux à offrir aux citoyens, dont l’opération Igal lapsel oma pill. Littéralement « Un instrument de musique pour chaque enfant ». En ligne de mire, le renouvèlement des collections instrumentales des établissements d’enseignement de la musique de tout le pays. Kannel, violon ou accordéon numérique, il n’y a pas de discrimination.

 

Kannel, la voix des défunts.

Le Kannel est un instrument traditionnel estonien à cordes pincées. Connu depuis plus 2000 ans, il apparaît dans différents contes transmis de génération en génération. Aujourd’hui, nombre de croyances l’entourent, le consacrant comme l’instrument de la vérité, poste radio des messages transmis de l’au-delà.

Une amie estonienne autrefois expatriée, qui n’avait jamais touché au Kannel, décida de s’y atteler. Les vieilles chansons de sa grand-mère défunte vinrent d’elles-mêmes ; ses doigts agiles au contact de l’instrument, aussi facile à jouer que de respirer. Venue en Estonie se recueillir sur la tombe de l’aïeule, elle joua cette mélopée apprise dans l’enfance. La pluie cessa, laissa place au soleil, dont la lumière nimba l’objet : se laissant capturer, elle décida sur-le-champ de revenir au pays. Magique Estonie !

Leelo tsõõr, l’alchimie du cercle.

Le Leelo est le chant choral Seto*. Une formation réunit généralement des personnes aux pouvoirs enchanteurs : timbre, plume, rythme & flow. Un interprète principal, le Lauluimä (littéralement « mère du chant »), chante les couplets en solo tandis que le reste de la troupe répète les paroles en chœur, selon différentes tonalités.

Écouter ces polyphonies est une expérience presque tellurique : votre âme pourrait bien en capter des fréquences surnaturelles, incantations jaillies du centre de la Terre. Certaines chanteuses témoignent de la puissance du cercle (tsõõr) : ouïr les lignes d’harmonie tout en performant soi-même, au sein du cercle, en face-à-face, donnerait l’impression d’être possédé d’une force capable de faire trembler la planète. Ce pouvoir apparaîtrait via la formation d’un cercle et disparaîtrait avec une formation linéaire.

Bien plus qu’un art vocal, le Leelo est un art de vivre. Autrefois, chanter rythmait les temps de travail, de loisirs, de fêtes et autres rituels, assurant aux règles de vie une voie de transmission. Il s’agissait par ailleurs d’un média, d’un instrument de communication donnant aux uns le loisir de diffuser un message et aux autres de l’entendre. Aujourd’hui, le Leelo a conservé toute son importance sociale, voire politique. Depuis 1994, chaque année, les Setos désignent démocratiquement leur roi (l’Ülembsootska) par le biais d’un concours de chant : chaque candidat se présente accompagné d’une chorale de soutien, qui scande ses mérites de représentant. Au public de se laisser convaincre puis de choisir.

Muusika, le cinquième élément. En Estonie, à l’instar de l’eau, la musique, vivante, trouve toujours un chemin. À la fin des années 80, elle fut le bras armé des luttes contre le régime soviétique (la Révolution chantante). De passage là-haut ? Acceptez toujours une invitation, vous aurez immanquablement l’occasion d’observer les instruments de musique se faufiler hors de leur étui, et les convives se mettre à danser. Rendez-vous samedi prochain !

 Clarisse B. / Voyage à reculons

 À écouter sans modération

– Mick Pedaja : Valgeks / To the light 

– Silve Ilves et son Kannel : Igatsus 

– Le Leelo Seto : en vidéo

 

*Les Setos constituent une minorité ethnique établie dans le Sud de l’Estonie (région du Setomaa) et en Russie. Le Leelo, indissociable de leur univers, est inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité depuis 2009. Pour en savoir +, sur le Leelo Seto, c’est ici.

Sille Ilves, musicienne, accompagnée de son Kannel à sept cordes. Crédit : SILD.

Sille Ilves, musicienne, accompagnée de son Kannel à sept cordes. Crédit : SILD.

 

 

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