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vendredi 22 novembre

L’enseignement en famille : « une liberté fondamentale menacée »

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Le 2 octobre dernier, dans le cadre de la lutte contre le «séparatisme islamiste», Emmanuel Macron a prononcé un discours aux Mureaux, dans les Yvelines. Il a notamment affirmé que «dès la rentrée 2021, l’instruction à l’école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans. L’instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé». Une décision qui a fait vivement réagir, et soulève des questions.

En effet, de nombreux parents, à travers le pays, font le choix de l’instruction en famille. Ce peut être un choix motivé par des raisons personnelles, liées à la pédagogie, à la personnalité des enfants, à leur éventuelle inadaptation au milieu scolaire « classique », pour des raisons spirituelles dans certains cas. Ajoutez à cela les classes surchargées, le manque de respect, parfois, le harcèlement. Avec d’autres associations et collectifs, CISE (Choisir d’Instruire Son Enfant) a décidé d’alerter l’opinion sur ce qui constitue « une liberté fondamentale menacée ». D’après l’association, « cette liberté fondamentale permet aux parents de choisir de déléguer la responsabilité de l’instruction de leurs enfants à l’école (12 millions d’enfants) ou d’instruire leurs enfants en famille (50 000 enfants en 2020, dont environ 20 000 suivent les cours à distance réglementés). En France, les libertés d’instruction et d’enseignement sont des droits constitutionnels. Leur respect est un garde-fou précieux en cas de dérive autoritaire dans un pays ».

Le discours du chef de l’État, par sa portée générale, a touché des familles vosgiennes peu suspectes de radicalisation. Rachel Bacciochi vit dans le secteur d’Uzemain. Elle a 49 ans, trois enfants, a enseigné pendant une dizaine d’années sur différents niveaux de classe, du CM2 au BTS. Elle est ingénieur, et éleveur de chiens corses à ses heures perdues. La mère de famille a entendu le discours des Mureaux en direct à la radio. « J’ai d’abord été très en colère », affirme t’elle. Elle a en effet opté pour l’instruction en famille pour son troisième enfant. « On a eu quelque déboires à l’école », explique t’elle. C’est le sommeil de l’enfant qui a orienté la famille vers cette organisation, « son cycle biologique (…) Son rythme n’est absolument pas adapté » à une scolarité dans un établissement « classique » Un choix qui risque donc de ne pas entrer dans les critères que le chef de l’État souhaite imposer.

« Ce qui est obligatoire aujourd’hui, c’est l’instruction », explique Rachel Bacciochi. Et non pas l’inscription dans une école. « La constitution ne permet pas de faire ce genre de loi ». Peut être Emmanuel Macron a t’il simplement voulu faire « un coup d’éclat » ? Si la mère de famille ne pense pas qu’un tel texte ait une chance d’être approuvé, elle ne baisse pas les armes pour autant. « Dans le monde qu’on connaît aujourd’hui, sait on jamais ? ». Elle a décidé de s’investir pour défendre la liberté de l’instruction. « Je me suis dit : on va aller au combat ». Et le combat ne lui est pas une notion étrangère. « Ma famille est de façon générale très ancrée dans l’armée ». Ses deux premiers enfants, de 26 et 23 ans sont engagés dans les forces militaires. « On a été élevés dans le respect des lois et des autres. Néanmoins, tout en jouissant de nos libertés », confie la mère de famille, qui a déjà eu des engagements, notamment dans le syndicalisme agricole.

« L’instruction en famille, c’est quelque chose qui est réglementé », explique Rachel Bacciochi. Une inspection est effectuée tous les ans. Par ailleurs, une fois tous les deux ans, la mairie vient enquêter, non pas sur l’aspect pédagogique, mais sur l’environnement dans lequel l’enfant évolue. S’il y a des cas de dérives sectaires, de maltraitance ou de radicalisation, « c’est anecdotique dans l’enseignement en famille », assure la manuzziène. Et cela peut être repéré. Pourquoi impacter toutes les familles et bouleverser leur organisation ? « C’est faire souffrir et interdire à un enfant comme le mien ». Cela ne pénaliserait-il l’ensemble des parents concernés, pour quelques mauvais usages ? On se souvient que pour lutter contre l’utilisation des feux d’artifice comme arme pour attaquer la police, il a été envisagé d’interdire la vente des feux d’artifice. Alors que ceux ci sont utilisés par beaucoup pour un honnête divertissement.

Par ailleurs, le gouvernement peut-il prouver l’existence du lien entre enseignement à la maison et radicalisation ? « Quand on leur dit : « donnez nous les chiffres ! », ils n’en sortent pas de chiffres », affirme Rachel Bacciochi. « Supprimer l’instruction en famille, c’est vraiment pas la solution ». On peut se demander, effectivement, si un terroriste islamiste, face à cette décision, rentrera dans le rang en s’écriant « Oh mince ! », comme chipeur le renard quand Dora l’exploratrice lui demande d’« arrêter de chiper ». C’est peu probable. « Ils prendront d’autres voies », selon l’enseignante. Le projet de loi sur la fin de l’instruction à domicile, examiné par le Conseil d’Etat, sera débattu en Conseil des ministres le 9 décembre prochain, puis discuté au parlement. La mère de famille manuzziène est optimiste : « Ça ne passera pas ».

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