Edgar Wright ou l’horreur de grandir
« Un film d’horreur doit avoir quelque chose qui vous dérange, il doit frapper au cœur de votre intimité pour fonctionner. »
C’était demain
Edgar Wright, notre invité d’honneur de cette édition 2022, n’est autre que le fils spirituel de John Landis, cinéaste hommagé en 2021. Parmi ses films de chevet, il y a bien sûr Les Blues Brothers et Le Loup-Garou de Londres. Ses films à l’énergie débordante et à l’humour 100% British tissent incontestablement des liens avec le cinéma horrifique d’hier et jouent avec l’espace-temps si cher à Nicholas Meyer, qui sera honoré à ses côtés cette année. Avec Edgar Wright, c’est l’art du métissage, de la transmission et le cinéma de demain que nous célébrons.
Nostalgique d’une jeunesse à jamais perdue, Edgar Wright manie le cinéma pour mieux retenir le temps, en un geste rythmique, frénétique, qui toujours frise l’horrifique. Matière première d’un cinéaste qui ne cesse d’explorer la question du devenir adulte avec une passion et une érudition musicale vertigineuse. Dialogues, décors, déplacements, narration, tout chez le trublion Wright est au diapason d’une mélomanie maniaque et d’une précision quasi-symphonique.
L’art de la composition et de l’hybridation
Si la plupart des films d’Edgar Wright campent avec tendresse des personnages de slackers issus de la classe moyenne des petites villes pavillonnaires, unis par l’amitié et l’alcool, nul hasard si le cinéaste s’est aventuré dans le domaine du fantastique avec ses films Shaun of the Dead – film de zombies, Scott Pilgrim – comédie fantastique unique en son genre, Le Dernier Pub avant la fin du monde – comédie alcoolisée de SF et Last Night in Soho – giallo en forme d’hymne d’amour au Swinging London. Car toutes ses oeuvres interrogent avec autant d’humour que d’effroi le devenir adulte et l’étrangeté de la réalité. La peur de grandir, la nostalgie infinie pour la teenage culture, celle du rock, des vannes, de la vitesse, des jeux vidéo, des comics, de l’amitié sont autant d’éclats réfractés à l’infini dans chacun de ses films, ouvrant une brèche dans la réalité d’un art quasi abstrait, rythmé par une playlist infinie et couturée par un montage endiablé. Le cinéma d’Edgar Wright est un art de l’hybridation des genres, du jeu, des punchlines et des miroirs, teinté en permanence des motifs d’une comédie existentielle des horreurs et des erreurs.
La hantise du monde adulte
Chez Edgar Wright, l’horreur est là avant l’horreur : dans la réalité, dans le quotidien gris des banlieues pavillonnaires et des petits jardins, dans l’avenir comptable d’une jeunesse en quête de rêve. Le zombie est indiscernable puisqu’il a déjà l’apparence des salariés amorphes et abrutis par la routine, des maris encombrés d’obligations familiales ou des ivrognes en errance. La figure du, zombie (Shaun of the Dead) ou du robot au sang bleu (Le Dernier Pub avant la fin du monde) est pour le réalisateur le miroir effroyable de l‘entrée dans l’âge adulte et du monde du travail, celui de la perte du rêve, de l’amitié, de la controverse et de la déconnade. Et le pub, le dernier refuge de la jeunesse et du temps à jamais perdu, phare dans une réalité vérolée où l’indiscernable fait loi.
La traversée du miroir
Avec Last night in Soho et sa ville fantasmée, Edgar Wright pousse encore plus loin le vertige de la nostalgie d’un monde perdu, celui des années 60, et manie l’art de l’espace-temps cinématographique où réalité et horreur sont les reflets d’un même miroir. Sous influence d’Hitchcock, Argento ou Powell, le réalisateur impose son talent de maître du genre dans un amour immodéré du cinéma. Nous sommes heureux de l’honorer cette année à travers une rétrospective de ses films et une Rencontre avec le public.
0 commentaire