HOMMAGE A NADEGE SADON, FIGURE CENTRALE ET HISTORIQUE DU THEATRE DU PEUPLE
Aux obsèques de Nadège Sadon , à Bussang, a été évoqué cet hymne de Maurice Pottecher : figure centrale et historique du Théâtre du Peuple, Nadège l’entonnait en début de saison d’été, lors de la traditionnelle cérémonie de la bannière .
« ô vieille terre, ô ma terre lorraine,
sous d’autres cieux luit un plus bel été,
mais l’air est pur qui souffle sur ta plaine,
et sur tes monts fleurit la Liberté »
En Nadège Sadon , qui incarnait cette histoire , on rencontrait ainsi le souvenir de Maurice Pottecher « le Padre » ,de « Tante Cam », Camille Pottecher , et de Pierre Richard Willm, qu’elle connut si bien .
Voici le texte qu’a lu sa sœur Marie Josée Boileau Vannson, aux obsèques , devant une assistance émue et nombreuse, dans l’église de Bussang .
« Nadège Sadon est née le 3 septembre 1939 dans le foyer de Pierre Sadon et Marguerite Maurer. Elle fut baptisée dans cette église, Elle avait à peine un an quand son père mourut sur le front, « mort pour la France », Nadège devint « pupille de la Nation ». Elle faillit devenir aussi orpheline de mère puisque Marguerite fut arrêtée par les Allemands et envoyée au camp de Struthof Schirmeck pour faits de résistance. Les grands parents Louis et Madeleine Maurer prirent le relais jusqu’au retour de déportation de de sa maman. En 1946, elle eut la joie d’avoir un nouveau papa, Gilbert Vannson, qui l’éleva comme son propre enfant, et une petite soeur Marie Josée de 8 ans sa cadette. Elle fut formée à l’Ecole primaire de Bussang, au collège du Thillot et à l’Ecole Normale de Jeunes Filles d’Epinal. Elle exerça le métier d’institutrice à Travexin, puis au Thillot à l’école de la Rue des Forts. Ayant obtenu une licence de psychologie à la faculté de Besançon, elle devint Psychologue Scolaire dans le secteur de Cornimont – Le Thillot jusqu’à sa retraite en 1993.
Elle a été estimée par les enfants auxquels elle a appris à lire et à écrire et aussi par ceux qui étaient en difficulté et qu’elle a soutenus. Mais sa véritable passion était le Théâtre, et plus particulièrement le Théâtre du Peuple. Elle y a joué depuis son enfance, au coté de sa mère Marguerite , de Gilbert et MarieJosée, sous la direction de Pierre-Richard Willm et Tibor Egervari , ces deux directeurs lui donnant des rôles de plus en plus importants et intéressants. Elle fut administratrice du Théâtre de 1972 à 1991 et tout l’été pendant ses vacances d’enseignante, elle ne ménageait pas ses peines pour accomplir toutes les nombreuses tâches qui lui incombaient, tout en continuant à monter sur les planches, à y jouer la comédie, danser et chanter.
Quand elle prit sa retraite, elle consacra beaucoup de temps aux voyages avec son mari Michel Grosjean, président des Tanneries du Thillot,… Depuis la mort de son époux en 2013, elle partageait son temps entre Bussang, Paris et Strasbourg chez sa soeur, où elle rendit son dernier soupir, sereinement, pendant son sommeil, dans la nuit du dimanche à lundi 26 à 27 janvier .
De la route de Sauté, de sa petite maison coquette et fleurie, elle veillait sur le village de Bussang et elle ne se lassait pas de la vue large et belle qu’elle avait de là-haut. Elle avait repris contact avec la Jeune Garde du Théâtre du Peuple, celle qui assure la continuité de l’oeuvre de Maurice Pottecher qu’elle aimait et à laquelle elle a consacré tant de bonne volonté et de talents. »
Camille Chan, arrière petite fille de Maurice Pottecher, filleule de Nadège Sadon et Tibor Egervari , lut ensuite cet hommage :
« Nadège Sadon était une enfant de la balle. C’est-à-dire qu’elle faisait partie de l’aristocratie de celles et de ceux qui naissent et grandissent dans une famille théâtrale et y restent pour la vie …
.., celle du Théâtre du Peuple, fondé par mes arrières grands-parents, elle en a été une des principales comédiennes et son administratrice pendant plusieurs décennies.
Enfant, elle a été amenée, comme le sera plus tard sa sœur Marie-Josée, dans ce grand bateau, comme elle aimait à appeler le Théâtre, par ses parents Marguerite et Gilbert….C’est là aussi qu’elle a commencé son apprentissage de comédienne sous la férule de Tante Camm. (C’était vraiment une férule.)
….
Jeune femme, elle a été distribuée et costumée par Pierre Richard-Willm. Paysanne, princesse ou le troll du Château de Hans, le répertoire pottechérien lui allait comme un gant. Si les costumes si justes de Pierre Richard-Willm ont aidé les transformations d’un rôle à l’autre, c’est essentiellement son très grand talent qui lui ont permis de faire croire à la distinction de la princesse comme à l’espièglerie inoubliable de Till le troll.
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Dans les années 70 une jeune équipe a pris la direction du Théâtre. Succédant à sa mère à l’administration, Nadège sera au centre de ce nouvel élan. Pendant des décennies elle assurera, d’abord la viabilité, puis la pérennité économique de ce joyau de la vie théâtrale française. Avec mon père, Pierre Chan, président du Conseil, ils ont mis sur des rails solides, que dis-je, sur orbite le Théâtre du Peuple -Maurice Pottecher…
Cependant, l’administratrice habile et efficace n’a pas empêché la comédienne de continuer à brûler les planches. Habillée désormais avec éclat par Marie-Hélène Butel, Marie-Madelaine la repentante, change sans difficulté en la délicieuse gourde de la Goualeuse, Shakespeare lui donne l’occasion de jouer avec fougue et ironie deux rôles clés du répertoire, Puck dans d’Un Songe d’une nuit d’été et Feste, dans de la Nuit des rois. Une duchesse hugolienne est suivie d’une autre dame médiévale dans Amys et Amyle. Puis c’est l’Italie de Goldoni…. La liste complète est bien plus longue.
Le chemin parcouru de la petite fille apprentie est impressionnant en soi, mais la diversité des personnages incarnés force vraiment l’admiration. Nadège était une comédienne qui est allée au bout de chaque rôle, fût-il extrême… C’est la comédienne qui sortait de la loge, et c’est le personnage qui entrait en scène. …
Quelle carrière!…..
…. Qui n’a pas vu dernièrement Nadège à la librairie ou dans le parc à vendre des glaces? Ou encore causer avec des jeunes et des moins jeunes en leur transmettant l’histoire, ou en leur racontant des anecdotes, voire des légendes. Elle était une dépositaire sure de l’héritage, de notre héritage du Théâtre.
…
Je puis donc dire au nom de toute la grande famille théâtrale du Théâtre du Peuple : bravo et merci Nadège! Nous ne t’oublierons pas. »
Dans ces mots de Camille Chan, on pouvait aussi lire la pensée de Tibor Egervari, qui, successeur de Pierre Richard Willm, assura avec Nadège de 1973 à 1985 la transition capitale du Théâtre du Peuple, entre l’époque Pottechérienne et l’époque actuelle .
V.D
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