« Monsieur le Ministre,
En cette fin d’année 2023, après la pandémie, notre association d’usagers représentatifs du territoire peut malheureusement reprendre les mêmes termes que ceux utilisés dans le courrier adressé au Président de la République en mars 2019.
Pour autant l’Ademat-h, composée de collectivités locales, d’élus, de praticiens de santé, d’habitants et d’acteurs économiques et associatifs, soit près de 3000 adhérents des bassins de vie de Remiremont, de Bruyères et des Vosges Saônoises, salue le geste que vous posez en vous déplaçant ce 4 décembre dans les Vosges. Il n’est que justice de venir rencontrer les personnels de l’hôpital de Remiremont qui se sentent abandonnés et dévalorisés par la puissance publique, l’administration, l’hyper médiatisation d’incidents graves et les plaintes qui s’accumulent.
Oui la situation de l’hôpital de Remiremont est alarmante, comme celle de l’ensemble des hôpitaux publics du pays. Personne ne peut l’ignorer. A quoi ont servi le grand débat national qui a mis cette problématique à l’ordre des priorités des français et de leurs élus ? A quoi a servi la pandémie qui a provoqué de la solidarité mais aussi démontré la fragilité de notre système de santé. Sur quoi débouchera le conseil national de la refondation portant sur la thématique santé si aucune mesure phare n’est prise au bout du compte ?
Ni adoption sans vote du parlement du PLFSS (projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2024) par 49.3, ni les plans de performance motivés par des priorités comptables et financières, ni la direction unique des hôpitaux vosgiens, ni la promotion de la complémentarité entre établissements ou la répartition des spécialités ni surtout la récurrente perspective de fusion des établissements, ne permettront d’améliorer l’accès aux soins pour tous et partout, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne. Vous ne pouvez l’ignorer.
Vous avez vous-même annoncé vouloir ré-ouvrir des lits et mettre ainsi un terme à cette pente dangereuse dans laquelle la réduction à tout prix des dépenses de santé nous entraînait. Vous avez raison. Mais où irez-vous chercher les moyens nécessaires alors que le projet de loi voté avec le recours au 49,3, impose de nouvelles économies qui pénaliseront encore plus les assurés sociaux, en particulier les plus pauvres d’entre eux ?
Par ailleurs la réouverture de lits se heurte aussi aux problèmes de démographie médicale et à l’impossibilité d’assurer dans de bonnes conditions la permanence des soins et le service de suite. Cette mesure annoncée risque donc de se heurter comme les précédentes à l’impossibilité de sa mise en œuvre.
L’organisation de ce pays et des services publics ne peut pas répondre au seul critère de réduction d’un déficit de l’Etat et plus précisément de l’assurance maladie. Ces déficits résultent, et vous le savez, du choix de la tarification à l’acte et du positionnement du curseur sur la règle graduée des objectifs de dépenses de l’assurance maladie.
Or la santé publique n’a pas de prix. La fragiliser remet en cause le modèle social de notre pays et renforce les fractures, les inégalités et le rejet de toute la classe politique. Or la République a besoin de tous ses territoires, de tous les citoyens et de politiques publiques dont l’efficacité se mesure dans la proximité.
La concentration des équipements sanitaires n’est pas une réponse adaptée puisqu’elle génère nombre de nouveaux problèmes et des risques, que l’on peut assimiler à des pertes de chances pour les habitants ; cela se traduit par des morts supplémentaires et des séquelles graves.
Nous ne pouvons pas imaginer que demain, l’accès à la santé et aux soins passent par une borne interactive de télémédecine installée au siège des espaces France services.
La santé, c’est l’humain, la relation humaine, le lien social direct, le prendre soin. C’est aussi un maillage du territoire qui contribue à son dynamisme et au renouvellement des générations.
L’Ademat-h avec la mobilisation massive de ce territoire que vous visitez aujourd’hui, a fait reculer une première fois l’ARS en 2016 et permis de surseoir à la décision de fermeture de la maternité de Remiremont. Celle-ci doit se trouver confortée au sein de l’hôpital général local regroupant les services de médecine, de chirurgie, d’obstétrique et de néonatologie, dans la complémentarité des autres équipements de santé d’Épinal et du CHU de Nancy.
Monsieur le Ministre, vos prises de parole laissent transparaître une détermination que nous aimerions voir se traduire en acte. La tâche est rude et les défis immenses.
Pour autant vous pouvez rapidement mobiliser les moyens qui permettront à l’hôpital de Remiremont, inauguré il y a 48 ans par Simone Veil qui vous a précédé dans les mêmes fonctions, de devenir non pas le bouc émissaire des médias et des prétoires, mais le site emblématique d’une volonté politique de renforcer ce territoire rural, aux confins des 2 régions de Grand-Est et de Bourgogne-Franche-Comté. Cela passe par le renforcement des moyens humains et matériels de cet établissement doté d’équipes soignantes performantes mais épuisées, pour qu’elles puissent mieux coopérer au dispositif global de soins du département et des régions concernées.
Cela passe par une loi cadre que nous appelons de nos vœux avant la fin de la mandature pour reconstruire avec les partenaires sociaux un financement global des établissements publics de santé, hôpitaux généraux, centres médico-psychologiques et centres de santé de territoire. Elle rencontrera le soutien de la population et d’un parlement soucieux de l’aménagement du territoire et de l’accès aux droits, aux soins et aux services publics de santé, en ville comme dans les ruralités.
Il est urgent de remettre l’ouvrage sur le métier.
Nous prenons notre part en portant des propositions au sein des instances de consultation auxquelles nous sommes conviés et en portant un projet de création d’un centre de santé territorial après avoir œuvré à la construction du contrat local de santé et amendé le plan régional de santé.
Mais il vous appartient aussi de répondre de manière déterminée aux objectifs de santé publique et aux besoins spécifiques des populations locales soumises à des taux de mortalité avant 60 ans supérieurs à la moyenne nationale.
Nous joignons à cette lettre un document récapitulatif de toutes les mesures urgentes que nous proposons et sur lesquelles nous aimerions avoir des engagements fermes de votre ministère pour qu’il apporte un soutien réel à notre hôpital sans le détricoter davantage ni en faire un service annexe d’un regroupement hospitalier ingouvernable. Nous souhaitons pouvoir vous présenter ces propositions lors de l’entretien que vous nous accorderez ce lundi lors de votre visite et y travailler plus longuement avec vous et votre ministère dans le prolongement de cette entrevue.
Parmi ces mesures nous attirons votre attention sur l’urgence d’installer un service de coronarographie publique dans les Vosges alors que près de 5000 patients vosgiens consultent tous les ans à Nancy, soit à plus 1 h 45 des fonds de vallées (délai peu compatible avec l’urgence que cet examen nécessite).
Dans l’attente d’une décision forte de votre part en direction de la santé des vosgiens, et de l’hôpital de Remiremont en particulier, nous restons à votre disposition. Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre de la Santé et de la Prévention, à notre profonde détermination et à notre respectueuse considération. «
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